XVIII “Jésus-Marie”

Mieux vaut un jour dans tes parvis que mille loin de Toi. (Ps. 83, v. 11.)

609.   Nous croyons nécessaire, avant de continuer, de donner au lecteur une idée succincte de la congrégation de Jésus-Marie, où Dina Bélanger allait entrer.

610.   C’est une congrégation d’origine française. Sa fondatrice, Claudine Thévenet (en religion Mère Marie Saint-Ignace), naquit à Lyon en 1774, fut baptisée dans l’église Saint-Nizier, et reçut l’éducation donnée par les Bénédictines de Saint-Pierre-des-Terreaux.

611.   Dès son enfance, Claudine fit pressentir ce qu’elle serait toute sa vie: douce et ferme, tendre et énergique; par son esprit de conciliation, elle était l’ange du foyer, et faisait la consolation de ses parents et le charme de ses jeunes frères.

612.   A l’époque de la Terreur, elle avait dix-neuf ans ; elle se montra courageuse jusqu’à l’héroïsme, visitant, au risque de sa propre vie, ses deux frères prisonniers des révolutionnaires, suivant jusqu’aux Brotteaux le cortège qui les conduisait à la mort; assistant même à l’exécution, le cœur déchiré par la douleur, mais des paroles de pardon sur les lèvres…

613.   Après ces tristes événements, elle se voua, pendant vingt-deux ans, aux œuvres de charité, instruisant les pauvres dans la connaissance et l’amour de Dieu. Quelques pieuses compagnes, entre autres Pauline-Marie Jaricot, se joignirent à Mlle Thévenet pour la seconder dans cette entreprise d’apostolat au foyer. Le zèle pour le salut des âmes était la passion de sa jeunesse, il fut la passion de toute sa vie, ainsi qu’en témoignent les œuvres sorties de son cœur plein d’amour pour Dieu et pour le prochain.

614.   A Lyon même, dans le quartier de la Croix-Rousse, elle fonda deux “Providences”: l’une en 1817, celle-là subsiste encore, l’autre en 1818, aux Pierres Plantées, et c’est là, qu’avec quelques compagnes, elle jeta les fondements de la future congrégation de Jésus-Marie dont les membres auraient pour but leur propre sanctification et le salut des âmes.

615.   Les années 1816 et 1818 furent témoins de ces grandes entreprises… Présidente de l’association des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie, supérieure et directrice des deux “Providences” ou orphelinats, ainsi que de sa nouvelle famille religieuse, Mlle Thévenet avançait courageusement au milieu de difficultés sans nombre, car, n’ayant pas d’autre but que la gloire de Dieu et l’accomplissement de sa sainte volonté, elle ne cherchait son appui qu’en Dieu seul, se confiant à Lui avec le plus filial abandon.

616.   Installée en 1820 sur la colline de Fourvière avec son œuvre des orphelines et celle de l’ouvroir pour la soierie, elle y ajouta, en 1821, un pensionnat destiné à l’éducation des jeunes filles de la classe aisée.

617.   Le 25 février 1823, avec quatre de ses compagnes, Mlle Thévenet revêtit l’habit de la congrégation et prononça ses vœux sous le nom de Mère Marie Saint-Ignace. Le lendemain, au scrutin secret, elle fut élue supérieure générale de la congrégation.

618.   Sous la Règle de saint Augustin et les Constitutions de saint Ignace, elle développa à l’intérieur cette vie austère, mais en même temps simple et cordiale, qui est si favorable à la perfection religieuse, cependant qu’à l’extérieur toutes ses fondations prospéraient: pensionnats, orphelinats, ouvroir, etc. Le parfait accord de ces œuvres de “Marthe et de Marie ” donna bientôt à la nouvelle famille religieuse l’aspect et la réputation d’une communauté modèle. Le saint Curé d Ars disait plus tard: C’est une congrégation qui est bien établie

619.   Cette œuvre si vivante aujourd’hui, et dont la Fondatrice elle-même ne pouvait prévoir le magnifique développement, fut bâtie sur “ l’humilité ” et la “pauvreté”, vertus toujours agréables à Dieu, et double héritage que Mère Saint-Ignace légua à sa famille religieuse. En effet, ses œuvres qui se soutiennent et se propagent dans cet esprit de “vie cachée”, qui fut celui de la Servante de Dieu, continuent à grandir sans compter sur les moyens humains.

620.   La révérende Mère Saint-Ignace eut beaucoup à souffrir pour conserver l’existence d’abord, l’esprit ensuite, de sa bien-aimée congrégation; mais le courage calme et serein qu’elle puisait dans la prière et dans sa grande confiance en Dieu, vint à bout de toutes les peines et de tous les obstacles.

621.   Les événements politiques survenus les dernières années de sa vie (1830-1837), et des difficultés intérieures, empêchèrent Mère Saint-Ignace de réaliser complètement tous ses projets sur la terre ; mais elle ne les abandonna pas, et peu de temps après sa mort, qui fut d’une émouvante et édifiante humilité (1837), elle donna des marques visibles de sa céleste protection.

622.   Voici, en résumé, le genre de vie que l’on mène dans cette congrégation:

623.   Dès le matin, la religieuse de Jésus-Marie, près du tabernacle, passe une heure d’intimité avec Jésus, lui exposant ses difficultés et ses besoins, lui redisant son amour, son désir de lui gagner des âmes, de contribuer à l’extension de son règne, de vivre et de mourir humble et cachée, à son divin service.

624.   La sainte messe, entendue tous les jours, la sainte communion renouvelant son union avec le divin Époux, sont l’aliment quotidien de sa vie surnaturelle.

625.   Trois fois le jour, interrompant son travail, elle s’unit, par l’office divin, au concert de louanges que l’Église fait constamment monter vers le ciel.

626.   Au milieu et à la fin de la journée, en deux quarts d’heure de recueillement, elle examine son âme devant Dieu pour effacer, par un acte d’amour, les fautes échappées à sa fragilité, et prévoir les écueils qu’elle pourra rencontrer.

627.   La lecture spirituelle continue sa formation religieuse; la visite au Saint Sacrement la ramène aux pieds du Maître; la récitation du chapelet la rattache par une douce chaîne d’amour et de force à sa divine Mère. Le soir, une dernière entrevue avec Jésus guérit les blessures du jour et prépare le repos de la nuit.

628.   Ainsi, sa vie tout entière est sanctifiée par la prière qui la dispose à l’action.

629.   Cette action est intense dans la congrégation de Jésus-Marie, et les âmes qui ont soif de dévouement trouvent largement de quoi satisfaire leurs désirs. Selon les milieux où la Providence l’a établie, la congrégation travaille à l’éducation des enfants appartenant à toutes les classes de la société : écoles élémentaires et paroissiales, orphelinats, écoles du soir, écoles dominicales, enseignement secondaire, sont tour à tour le champ d’action offert à l’activité de la religieuse de Jésus-Marie.

630.   Non seulement la congrégation de Jésus-Marie travaille dans son pays d’origine, mais elle a, dès les premières années de sa fondation, étendu ses ramifications sur les missions lointaines. C’est ainsi que, depuis 1842, elle s’est implantée aux Indes, où elle continue d’accepter, suivant les circonstances, les œuvres très diverses qui s’offrent à son zèle. Les couvents de Jésus-Marie sont semés, depuis les pentes de l’Himalaya jusqu’aux brûlantes plaines du Gange et aux rives de l’océan Indien.

631.   Dans leurs écoles, sont accueillis des enfants de toutes races et de toutes croyances. Parfois même, tel à Sardhana, à Delhi, les religieuses mènent la vie de vrais missionnaires, recueillant et baptisant les petits enfants, instruisant les adultes et les préparant à la réception des sacrements.

632.   Accepter ainsi l’éloignement du pays natal, les souffrances d’un climat souvent meurtrier, les difficultés de la langue et des coutumes indigènes, n’y a-t-il pas là de quoi satisfaire les âmes les plus avides de renoncement, d’immolation et de dévouement ? Outre les Indes, — où les maisons de l’Institut sont nombreuses, — l’Angleterre, l’Irlande, le Canada, les Etats-Unis, l’Espagne, le Mexique, les Antilles, l’Amérique du Sud, la Suisse, l’Allemagne et l’Italie ont vu se multiplier aussi les fondations.

633.   Depuis que les communautés religieuses ont été chassées de France en 1901, les religieuses de Jésus-Marie ont leur maison-mère à Rome. La maison provinciale et le noviciat, pour le Canada et les Etats-Unis, est à Sillery, près de Québec. Un autre noviciat, pour les sujets de langue anglaise, a été ouvert à Highland Mills, état de New-York. Un troisième se trouve à Gravelbourg, Sask.

634.   En outre, les religieuses de Jésus-Marie ont ouvert des noviciats dans les différents pays où elles se sont établies.

635.   Les vaillantes ouvrières de la première heure sont allées depuis longtemps recevoir l’éternelle récompense. Comme il doit leur être doux de contempler leurs remplaçantes qui, sous tous les deux, travaillent à remplir le programme tracé par la révérende Mère Fondatrice: Former des âmes pour le ciel, par une éducation vraiment chrétienne!

636.   Dans la congrégation de Jésus-Marie, tous les membres ne sont pas appelés à l’enseignement. Il y a place pour toutes les bonnes volontés et toutes les aptitudes. C’est ainsi que les chères Sœurs auxiliaires, employées plus spécialement aux soins du ménage, jouent dans la communauté un rôle important et bien apprécié. Par leurs humbles travaux, par leurs prières, leurs vertus de vie intérieure, qu’elles ont tant d’occasions de pratiquer, elles ont part à tous les mérites de l’œuvre de l’éducation chrétienne. Pour elles, comme pour les religieuses de chœur, — faisons-en la remarque importante, — chaque action, faite en vertu des saints vœux, s’élève à la dignité d’un acte de la vertu de religion, et acquiert des mérites bien supérieurs à ceux que réaliserait le même acte accompli en dehors de la vie religieuse. Quelqu’un n’a-t-il pas dit: “Là où une personne du monde mérite comme salaire une pièce d’argent, une personne religieuse reçoit du divin Rémunérateur une pièce d’or.”

637.   Pour cimenter l’union entre les couvents de Jésus-Marie, le saint sacrifice est célébré, chaque matin, dans l’une ou l’autre maison de la congrégation, aux intentions de la famille tout entière. Cette série de messes, du 1er janvier au 31 décembre, fait descendre du saint autel des flots de grâces sur Jésus-Marie, sur ses bienfaiteurs vivants et défunts (1).

(1) Ce chapitre est emprunté presque entièrement à des opuscules publiés par la congrégation de Jésus-Marie.